Article paru dans Le Moniteur le 5 janvier 2022.
Par Laurent Miguet
Le jury du concours d’idées pour « mieux aménager les territoires en mutation exposés aux risques naturels » (Amiter) a présenté son verdict mi-décembre. Parmi les 65 équipes sélectionnées en février 2021 pour plancher sur neuf territoires, trois grands prix, sept lauréats, huit mentions et trois citations émergent.
Entre imaginaire et prévention des risques, l’aventure ne fait que commencer pour les neuf territoires choisis par le ministère de la Transition écologique pour le concours d’idées visant à « mieux aménager les territoires en mutation exposés aux risques naturels » (Amiter).
Un cadre à inventer
« L’Etat accompagnera financièrement les équipes distinguées et les collectivités volontaires vers les étapes pré-opérationnelles », confirme Emmanuelle Durandau, secrétaire permanente adjointe du plan urbanisme, construction et architecture (Puca), co-organisateur du concours aux côtés du Centre d’expertise sur les risques, l’environnement, la mobilité et l’aménagement (Cerema) et de la direction générale de la prévention et des risques du ministère de la Transition écologique.
Dans plusieurs territoires, cette nouvelle phase passe par un préalable : certaines équipes candidates se sont volontairement écartées des prescriptions des commissions locales constituées avant la délibération finale de décembre 2021. Une série de débats à venir vise à fixer le cadre méthodologique pour passer des idées aux réalisations.
Publication et échanges en 2022
Parallèlement, les coordonnateurs d’Amiter préparent la mutualisation des acquis à travers une publication accompagnée d’une journée nationale d’échanges. Une évaluation en cours de lancement apportera les éléments pour décider d’une nouvelle édition.
Avant cette échéance, Emmanuelle Durandau ne cache pas son enthousiasme : « L’investissement considérable des équipes, tant sur le plan intellectuel que citoyen, a constitué une extraordinaire surprise. Les concepteurs ont produit une incroyable masse de travail », souligne la secrétaire permanente adjointe. L’absence de précédent renforce la valeur du bilan : Amiter se distingue des précédents Grands prix d’aménagements en terrains inondables constructibles (GPatic) qui avaient récompensé des réalisations.
Haut niveau.
Le haut niveau des réponses n’a pas conduit le jury à la complaisance, au contraire : l’équilibre entre les composantes techniques et artistiques a guidé la sélection des équipes pluridisciplinaires. La déconstruction figure parmi les thèmes récurrents identifiés par les jurés, de même que la question du temps associé à la gestion de projets au long cours dans des emprises soumises à des risques épisodiques
Trois prix nationaux, neuf territoires pilotes
Collectivités sélectionnées : Métropole Aix-Marseille (Bouches-du-Rhône), agglomération Béziers-Méditerranée (Hérault), communauté de communes du pays de Montereau (Seine-et-Marne), agglomération de Saint-Nazaire (Loire-Atlantique), ville de Vernon (Eure), ville de Saint-Etienne (Loire), agglomération grand Dax (Landes), communauté de communes Côte Fleurie (Calvados), métropole de Tours (Indre-et-Loire).
D & A (mandataire) avec Après la pluie, CCR, Emilie Gascon et Saville-Patrice Vivier, grand prix national pour les propositions sur le parc d’entreprises du Confluent, dans le pays de Montereau (Seine-et-Marne).
Horizons Paysages J Mazas (mandataire), avec Puya Paysages, Sébastien Cord, Etienne Ballan, Madania et Artelia, grand prix national pour les propositions sur le secteur de la Capelette Confluent, dans la métropole d’Aix-Marseille (Bouches-du-Rhône).
Gourvil Yannick Et Alors, avec Céline Bodart, Artelia, Atelier Sylvos, Commune, Chris Younes et BMC2, grand prix national pour les propositions sur la friche Engie de la Côte fleurie (Calvados).
L’Arche de Noé, un lauréat stratégique pour le BTP francilien
Quand bien même les crues à venir noieraient l’Ile-de-France, les bâtisseurs régionaux pourraient continuer à se fournir dans la zone d’activités de 180 hectares située à la confluence de l’Yonne et de la Seine, à Montereau Fault-Yonne (Seine-et-Marne).
La démonstration de cette résilience justifie le prix national décroché par Devillers & Associés (D & A), dans le trio des trois lauréats ex-aequo du concours d’idées pour « mieux aménager les territoires en mutation exposés aux risques naturels » (Amiter).
« Des aménagements frugaux, mais nécessaires, suffiraient à assurer la continuité du fonctionnement de la zone, sans pour autant empêcher l’inondation », explique Marie Evo, responsable du pôle Territoires & Mobilité de D & A.
La métaphore de l’arche de Noé explicite le scénario minimaliste, caractérisé par quelques surélévations de routes, modifications fonctionnelles de bâtiments et nouvelles constructions : tout comme la terre lors du déluge, les entreprises éviteraient de perdre leurs ressources vitales. Riche en fournisseurs du BTP, le parc d’entreprises du confluent offrirait une planche de salut aux bâtisseurs franciliens.
Les propositions de l’équipe coordonnée par Marie Evo découlent d’une reformulation de la commande : la communauté de communes du pays de Montereau avait limité son cahier des charges à la constructibilité de la friche Film Argent.
La réponse de D & A ne néglige pas cette ancienne usine d’incinération de films photographiques de 3400 m2, au contraire : outre l’accueil des entreprises et l’animation de la zone, la « maison de la confluence » offrirait un site démonstrateur de la diversité des réponses à la question de la constructibilité en zone inondable. « Des pilotis aux talus, les techniques diffèrent selon qu’il s’agisse d’abriter des bureaux, des machine-outils ou des stocks », précise Marie Evo.
Plus encore que sur l’architecture, D & A a fondé ses propositions sur la maîtrise du jeu d’acteurs, point fort de son pôle Territoires & Mobilités. Renforcée au sein de l’équipe par Saville, cette expertise a inspiré l’hypothèse opérationnelle développée par le lauréat : confier le remembrement et la rénovation du parc d’activités à une association foncière urbaine de projets (Afup).
Cette disposition revient à prendre à revers une autre prescription du cahier des charges initial, qui proscrivait les surcoûts liés à l’inondabilité : D & A parie sur l’attractivité découlant de la qualité de services, pour compenser une facture jugée incontournable.